Felicitari, Alexandru Gussi! Despre salvarea si restituirea memoriei

Este o iluzie si o eroare sa credem ca trecutul poate fi pur si simplu negat.  O societate fara memorie este una decerebrata, redusa la conditia vegetativa. Cum scria Milan Kundera intr-un roman celebru, istoria totalitarismului este aceea a luptei memoriei impotriva uitarii. Salut aici cartea aparuta anul acesta la Paris la editura L’Harmattan a politologului roman Alexandru Gussi care preda la Universitatea din Bucuresti.  Nascuta dintr-o splendida teza de doctorat sutinuta la Paris sub conducerea profesorului Dominique Colas, remarcabila carte a lui Alexandru Gussi exploreaza meandrele memoriei ori, mai exact spus, ale memoriilor politico-istorice romanesti de dupa 1989, relatia dintre regimurile de memorie si dispozitivele ideologice ale diversilor actori politici in eforturile de a explora ori de a oculta adevarul istoric. Pentru ca, in pofida afirmatiilor relativiste, exista un set de adevaruri incontestabile, demonstrabile si verificabile documentar: de pilda, faptul ca PCR era o formatiune marginala, fara urma de sanse de a ajunge la putere in 1945 in absenta sprijinului direct al URSS.  Ori faptul ca alegerile din noiembrie 1946 au fost masluite de o maniera grosolana de catre comunisti. Ori distrugerea sistematica a statului de drept, a persoanei juridice, a cetateanului. Ceea ce intreprinde Alexandru Gussi tine deopotriva de anamneza si de analiza mentalului, a imaginarului istoric, deci o demistificare a naratiunilor competive care s-au straduit sa converteasca memoria (ori absenta ei) in istorie. Eelementul etic este, in chip necesar, prezent in acest efort, dar de o maniera bine temperata. sine ira et studio.  Am mai spus-o, pe un câmp al nesimţirii etice cresc buruienile urii, ale resentimentului, ale patimilor şi furiilor exclusiviste. Cartea lui Alexandru Gussi este un antidot impotriva acestei abulii etice si a distorsiunilor falsificatoare.

Am fost incantat sa scriu prefata acestei lucrari atat de necesare pentru intelegerea spatiului simbolic post-comunist, a bataliilor intelelectuale si politice din ceea ce unii prefera sa uite: acei ani care Ion Iliescu si FSN-ul au incercat instituirea unui nou regim monopolist asupra memoriei colective si permanentizarea unei amnezii generata de cinism si dispret pentru victimele totalitarismului. Cei care afirma astazi ca in acei ani intelectualii de stanga ar fi fost “linsati” ori marginalizati, pur si simplu habar nu au despre ce vorbesc. Dimpotriva, stanga fesenista, in variile ei incarnari, a exercitat dominatia asupra structurilor comunicationale si academice oficiale si s-a opus cu disperare cunoasterii adevarului istoric despre comunism si despre chinuitul debut al tranzitiei spre pluralism. Cartea lui Alexandru Gussi, de o admirabila onestitate, restituie acele adevaruri fara de care spiritul democratic se gaseste in grea suferinta.  Gratie unor contributii precum cea semnata de Alexandru Gussi, pe care sper sa o avem cat mai curand in versiune romaneasca, este posibila constituirea a ceea ce se numeste solidaritatea anamnestica, strapungerea zidurilor artificiale ale unei culpabile si atat de instrumentale uitari.  Iata unele fragmente din prefata mea.

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=33611

Démocratie, mémoire et vérité

par Vladimir Tismăneanu

L’appropriation du passé, la confrontation à des traumatismes avouables et inavouables, la distinction entre les personnages réels et ceux imaginaires, voilà quelques directions essentielles de la construction des communautés véritablement démocratiques sur les ruines des anciens régimes de type soviétique. Alexandru Gussi, un excellent politiste qui s’intéresse à l’histoire récente des sociétés postcommunistes, et au cas roumain en particulier, propose un travail démystificateur concernant les usages du passé communiste dans le discours public après l’écroulement du régime de Ceausescu. 

Le livre d’Alexandru Gussi est rigoureusement construit du point de vue conceptuel et ne constitue pas un exercice spéculatif. En Roumanie, comme dans les autres pays postcommunistes, il y a une vive dispute sur le passé récent, une compétition entre des régimes de mémoire souvent irréconciliables. Des divers groupes politiques rivalisent pour la définition de l’expérience communiste et de la période ultérieure, avec ses clivages surprenants. Le travail d’Alexandru Gussi s’inscrit dans la direction des recherches de Tony Judt, Jan-Werner Müller, István Rev, Maria Todorova, Katherine Verdery, Gail Kligman, Marie-Claire Lavabre, Timothy Garton Ash, Marci Shore, Timothy Snyder, Henri Rousso, Jacques Rupnik. L’auteur, inspiré du modèle aronien, est un spectateur engagé, qui se définit sans équivoque comme un adepte des valeurs libérales et de la société ouverte. Cela ne signifie aucunement l’abandon de l’objectivité ou l’adhésion à des positions partisanes faciles.

Ce que préoccupe Alexandru Gussi relève des modalités par lesquelles les partis postcommunistes font appel aux moments définitoires et encore peu éclaircis de la sortie de la Roumanie du totalitarisme. Ces moments, avec leurs ombres et mystifications, continuent à représenter des thèmes controversés d’une culture politique où la conversation démocratique concernant le passé reste prisonnière, hélas, à des subjectivismes déroutants et nuisibles.

Alexandru Gussi identifie d’une manière juste et documentée le fait que le péché originel du régime instauré en décembre 1989 est dû au simulacre du procès du couple Ceausescu, à la dissolution artificielle du PCR et à sa reconstitution sous le masque du Front du Salut National. Le leader FSN, l’ancien apparatchik (secrétaire du CC du PCR chargé de la propagande, premier secrétaire du CC de l’UTC, etc) Ion Iliescu a agi constamment contre ce que les Allemands appellent Vergagengeitsbewältigung, à savoir la confrontation au passé. Cela ne fut pas le résultat d’un accident, tout au contraire. Ion Iliescu a institutionnalisé l’amnésie afin de sauvegarder et d’imposer les mythes fondateurs du FSN, la mythologie politique de ce parti/mouvement : son caractère spontané et la pseudo-absence d’une hérédité communiste. Et cette mythologie a des réverbérations importantes dans les politiques d’après 1990. C’est pour cette raison, avec la contribution des historiens (ou plutôt des sycophantes) de la période de Ceausescu, récupérés pour des nouvelles finalités, que le régime Iliescu a instrumentalisé le passé. Le FSN (tout comme ses organisations héritières) a fait recours aux mythologies nationalistes afin de fortifier sa base électorale populiste et ethnocentrique. Il a soutenu, d’une manière plus ou moins explicite, la réhabilitation des figures autoritaires du passé, y compris celle du maréchal fasciste Ion Antonescu, responsable des crimes contre l’humanité. C’est uniquement durant son troisième mandat (2000-2004) que, suite à des pressions internationales, Ion Iliescu avait condamné l’Holocauste en Roumanie. (…)

Je tiens à rappeler ici une chose essentielle : en avril 2006, le président Traian Băsescu a créé la Commission pour l’Analyse de la Dictature Communiste en Roumanie, que j’ai eu l’honneur de coordonner. Le Rapport Final de la Commission a constitué le fondement du discours que le président de la République a soutenu le 18 décembre 2006 devant les Chambres réunies du Parlement. Dans ce mémorable discours, étant donné les preuves irréfutables mises à la disposition par la Commission, la dictature communiste de 1945 à 1989 a été condamnée comme illégitime et criminelle. Ce fut un moment de séparation politique et de refondation de l’Etat de droit. Le Rapport Final a renversé le paradigme national-staliniste, en prouvant que la dictature communiste a été un Etat abusif (à l’opposé de l’Etat de droit), tant dans sa période initiale (dominée par les soviétiques et leurs adeptes), qu’à l’époque de la relative autonomie des années 1964-1989.

Esprit équilibré, adepte du principe sine ira et studio si nécessaire pour ce type de démarche, Alexandru Gussi explore les difficultés des débats et des initiatives liés à la lustration, à la décommunisation et à la justice morale et réparatrice. Si Ion Iliescu s’était opposé avec acharnement à une approche démystificatrice du communisme, de la Révolution du décembre 1989 et des assauts antidémocratiques d’après 1990 (et en premier lieu de la « minériade » de juin 1990), il en reste une interrogation inquiétante quant au fait qu’il n’y a eu presque aucune initiative à cet égard durant la période de la Convention Démocratique, et donc de la présidence d’Emil Constantinescu (1996-2000).

A ces questions le travail d’Alexandru Gussi propose des réponses que je considère comme pertinentes et bien argumentées. La volonté politique est un élément clé de l’action d’assumer le passé. En son absence, les partis et les hommes politiques peuvent mimer le courage rétroactif, mais ils n’arriveront pas à constituer l’espace public où l’on examine avec lucidité ce que s’est passé après le 22 décembre 1989. Rédigé avec passion et élégance, le livre d’Alexandru Gussi est une lecture indispensable pour tous ceux qui souhaitent comprendre les tensions idéologiques et culturelles de la Roumanie actuelle.

 Washington, DC, le 29 décembre 2009

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